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La permanence d’écoute et d’information ainsi que la permanence « Une psychologue à votre écoute » sont également fermées à cette date. En savoir plus dans notre article dédié.
Marion Griot, psychologue spécialiste des relations familiales, répond aux questions de Surdi Info sur les relations entre l'enfant sourd et ses frères et soeurs entendants.
Surdi Info : Comment se construit la relation entre frères et soeurs ?
Marion Griot :
Si l’on se réfère aux mythes et aux contes qui fondent nos représentations culturelles sur la relation fraternelle (Caïn et Abel, Romulus et Rémus, Etéocle et Polynice, Seth et Osiris, etc.), nous nous apercevons que ce n’est pas au sein de la fratrie que se déploie le plus de fraternité ! Les liens y sont souvent décrits comme pouvant engendrer de la violence et pouvant mener les protagonistes au fratricide. Pourtant, tout parent tend à vouloir qu’une relation harmonieuse s’instaure entre leurs enfants. Il est vrai que la proximité au quotidien, les activités communes, les épreuves à surmonter ensemble fondent une solidarité et du partage entre germains.
Cependant, deux raisons principales peuvent être mentionnées pour expliquer l’apparition d’une forte ambivalence des sentiments dans le lien fraternel. D’une part, la quête de l’exclusivité de l’amour parental place les frères et sœurs en rivaux face à leurs parents. D’autre part, le fait d’être issu de la même matrice, de constituer un groupe de même génération, ayant les mêmes parents, évoluant dans un même climat affectif, social, culturel, fait courir le risque de l’indifférenciation entre les frères et sœurs. Or, un tel contexte peut favoriser l’apparition de sentiments de haine, voire dans des cas extrêmes, des passages à l’acte violents des frères et sœurs entre eux. La relation fraternelle est ainsi empreinte des deux pendants indissociables de l’amour et de la haine.
Surdi Info : Quand un membre de la fratrie est handicapé est ce que cela change quelque chose ?
Marion Griot :
Les études portant sur les répercussions du handicap sur les fratries fournissent des résultats contradictoires. Si certaines tendent à montrer que cette situation fragilise les frères et sœurs en termes d’estime de soi, de capacités sociales, de dépression, de troubles du comportement ; d’autres mettent en avant les qualités telles que l’empathie, la débrouillardise, l’autonomie que cette situation atypique provoque pour les frères et sœurs.
Dans le cadre de l’exercice de notre métier de psychologue, nous sommes parfois confrontés à des enfants en souffrance face à la situation de handicap de leur frère ou de leur sœur. Il convient bien évidemment dans ce cas de les écouter pour identifier au cas par cas les causes de ce mal-être et de proposer à la famille de trouver les solutions qui sont les siennes pour faire face à cette situation.
Surdi Info : Que peut ressentir la fratrie face à leur frère / sœur différent ?
Marion Griot :
Une recherche (Griot, Poussin, Osiurak, 2013) menée sur la nature de la relation fraternelle lorsqu’un enfant est atteint d’une déficience intellectuelle montre que dans ces fratries spécifiques, les frères et sœurs sont à la fois moins en conflit mais également moins proches de leur frère ou leur sœur en situation de handicap. Cela vient confirmer qu’une relation fraternelle pour exister a besoin que des conflits puissent y émerger.
Quand un des membres de la fratrie est fragilisé ou perçu comme le plus fragile du système familial, il devient celui que chacun se doit de protéger. Ainsi, les frères et sœurs peuvent être ou se sentir freinés dans l’expression de leur ambivalence à l’égard de ce frère ou de cette sœur différente. Les disputes, les affrontements verbaux ou physiques y sont moins fréquents, ou plus régentés par les parents.
L’enfant peut se sentir ou être assigné à occuper une place de « pseudo-parent », d’aidant vis-à-vis de son frère ou de sa sœur en situation de handicap. L’instauration d’une telle dynamique si elle est cantonnée à quelques aspects de la vie quotidienne (repas, habillage, apprentissage par exemple) peut avoir des effets bénéfiques pour les frères et sœurs à condition qu’elle soit valorisée dans la famille et qu’elle n’exclue pas le jeu et la relation d’égal à égal dans d’autres espaces (Griot, Poussin, Baltenneck, 2013).
Surdi Info : Quels conseils pour les parents?
Marion Griot :
Les frères et sœurs de personnes en situation de handicap peuvent parfois douter de l’amour parental que leurs parents leur portent. Très préoccupés par l’enfant déficient, l’organisation de son quotidien, ses rendez-vous, son avenir, etc. les parents sont parfois moins attentifs à l’enfant sans handicap. Favoriser des temps privilégiés avec chacun des enfants peut freiner le développement d’un te ressenti chez les frères et sœurs.
Réfreiner son agressivité envers ce frère ou cette sœurs qui prend tant de place, ne pas rajouter de chagrin à leurs parents fragilisés, assurer un soutien (souvent valorisé dans la famille) auprès du frère ou de sa sœur handicapée sont de lourdes charges pour un enfant. Etre attentif à proposer des temps de parole individuel ou en groupe pour ces enfants peut être intéressant des ces situations.
D’autre part, comme le mentionne Régine Scelles (2010) : laisser la porte de la chambre des enfants fermée afin qu’une relation fraternelle, indépendante du lien qui unit les enfants à leurs parents puissent se tisser est également à soutenir. Les conflits pourront émerger mais avec eux, une proximité et une relation fraternelle digne de ce nom !
Surdi Info : Quand l'enfant est sourd comment faciliter la communication entre frères et sœurs ?
Marion Griot :
La présence du handicap dans la famille a un impact sur chacun des membres du système familial et sur les interactions entretenues à l’intérieur comme avec l’extérieur. Les frères et sœurs peuvent se demander en quoi ils sont suffisamment semblables à cet autre si différent pour former un sous-système fraternel suffisamment homogène. Dans le cas de la déficience intellectuelle, la distance et l’écart entre frères et sœurs se creusent par le manque d’activités et d’intérêts communs. Dans le cas de la surdité, c’est la communication qui va être rendue difficile de prime abord.
Cependant, il n’est pas rare de voir apparaître dans les fratries des langages que seuls les enfants peuvent comprendre. Cela apparaît encore plus fréquemment dans les fratries gémellaires. Ces codes qui les isolent des parents, renforcent leur sentiment d’appartenir à un groupe fratrie. Par le jeu, les mimiques, le langage corporel auquel les enfants sont à la fois sensibles et très réceptifs, la communication passe. Ainsi, dans le cas de la surdité, la communication entre les enfants peut être facilitée par leur capacité à communiquer autrement que par le langage oral.
Cependant, il conviendra de rester attentif à ce que cette manière singulière de communiquer ne les isole pas des autres (famille élargie, pairs, etc). Le diagnostic de surdité qui va être posé sur un enfant va avoir un impact sur tous les membres du système familial. Les relations en son sein en seront modifiées.